Le Saint Pie - Editorial Mars 2020
Saint Grégoire le Grand, pape (590-604), combattit la simonie
L'argent dans l'Eglise : les héros face aux bandits
par le Père Christophe LEGRIER, Prieur de la Mission Saint Pie X
Comme l’argent et la richesse excitent la convoitise des hommes, la présence d’argent dans l’Eglise n’a pas manqué de susciter des bandits. Mais à côté des bandits, il y eut toujours… des héros.
Les bandits sont ces hommes d’Eglise qui ont abusé de leur pouvoir et de leur autorité pour s’en mettre plein les poches. Le premier bandit célèbre dans l’histoire de l’Eglise a son nom dans la Bible. Il s’appelle Simon le Magicien. (Nous aurions pu commencer par Judas, l’Apôtre qui vendit le Christ pour trente pièces ; mais l’Eglise n’était pas encore fondée. C’est pourquoi nous n’en parlerons pas). Simon nous est connu par les Actes des Apôtres. Il demanda à saint Pierre de lui transmettre un pouvoir spirituel, en échange d’argent. La réponse de l’Apôtre fut cinglante: « Périsse ton argent avec toi, puisque tu as cru que le don de Dieu s'acquérait à prix d'argent ! ». Ce premier bandit de l’histoire de l’Eglise a donné son nom à tous ceux qui veulent vendre les choses spirituelles : ceux-là qui vendent les choses spirituelles, on les appellera bientôt les simoniaques.
Par exemple, un évêque qui dirait: « je t’ordonne prêtre, à condition que tu me verse un million dans ma poche», ce serait un évêque simoniaque.
L’Eglise a très vite réagit à ces mauvaises pratiques lorsqu’elles sont apparues. En 451, le Concile de Chalcédoine condamna les évêques qui pratiquaient les ordinations à prix d’argent, et qui mettaient en vente « la grâce qui ne doit pas être vendue ». En 595, le pape saint Grégoire le Grand fit de même, et qualifia cette pratique d’« hérésie simoniaque ». Les empereurs bien catholiques se joignirent aux efforts des papes. L’empereur d’Orient Léon 1er (457-474) décida que les hommes qui auraient acquis des fonctions spirituelles à prix d’argent seraient poursuivis et déclarés coupables de haute trahison ! L’empereur Justinien (527-565) usa des mêmes rigueurs.
La plus grave crise eu lieu au Xème et au XIème siècle. Beaucoup de prêtres et d’évêques étaient devenus des « simoniaques » : ils vendaient les sacrements, les reliques, et les bénédictions. Comment en était-on arrivé là ? Le pouvoir civil avait pris la mauvaise habitude d’imposer les prêtres et les évêques de son choix. Mais le choix ne se portait pas toujours sur les hommes d’Eglise les plus intègres. Au contraire ! Le résultat fut qu’une bonne partie du clergé en place n’était pas spirituellement et moralement préparé à ses fonctions. Et l’amour de l’argent l’emporta. On vit se mettre en place un grand trafic d’argent autour des choses spirituelles. L’Esprit Saint, qui veille sur son Eglise, suscita en même temps des hommes de Dieu énergiques qui travaillèrent à mettre fin à cette situation: ce sont les héros de l’Eglise.
La dépouille de Saint Grégoire VII, pape (1073-1085), à Salerne. Ce pape combattit courageusement la simonie.
Les moines jouèrent un grand rôle, en développant des monastères d’une piété exemplaire. Le plus célèbre fut le monastère de Cluny : l’esprit de sainteté qui régnait dans cette immense maison religieuse servit de modèle à toute l’Eglise. La fondation même de ce monastère fut possible grâce à la charité héroïque d’un prince laïc (voir l’encadré ci-contre). Les papes surtout intervinrent avec énergie. Le premier qui lança la réforme fut le pape saint Léon IX, élu en 1049. Après lui, le pape Nicolas II (1059-1061) poursuivit le combat contre la simonie. Saint Grégoire VII (1073-1085) enfin eu le courage de guérir le mal à la racine : il décida de retirer au pouvoir politique le droit abusif d’imposer des évêques et des prêtres de son choix. En 1075, il condamna des prêtres et des évêques simoniaques. Puis il écrivit à l’adresse du pouvoir politique : « Si un empereur, un roi, un duc, un marquis, un comte, une puissance ou une personne laïque a la prétention de donner (…) des évêchés ou (…) quelque dignité ecclésiastique, qu'il se sache excommunié ». Le pouvoir politique sera donc excommunié s’il veut imposer des prêtres ou des évêques. Car lorsqu’il le fait, il cherche plus l’intérêt politique et l’argent. C’est ainsi que progressivement, sous l’impulsion de ces papes énergiques et saints, le clergé se releva, et les trafics d’argent diminuèrent.
Conclusion : Simon le Magicien eut des successeurs dans l’Eglise. On les appela les simoniaques. Mais saint Pierre aussi eut ses successeurs, qui répétèrent avec lui: « Périsse ton argent! ». C’est pourquoi les mauvais exemples ne devraient jamais détourner les fidèles de la foi catholique. Car à côté des bandits, il y a toujours des héros. Dieu n’acceptera pas l’excuse de ceux qui lui diront : « j’ai quitté l’Eglise, car j’ai vu des prêtres qui aimaient l’argent ! ». Il leur répondra : « pourquoi t’es-tu attardé sur l’exemple de ceux qui font le mal ? Tu as vu des Simons le Magicien dans mon Eglise, mais tu n’as pas vu mes bons et fidèles serviteurs, ceux qui ont vécu détachés des biens de ce monde : saint Grégoire le Grand ? Saint Léon 1er ? Saint Grégoire VII ? sans oublier : saint François d’Assise ? saint Vincent de Paul ? le saint Curé d’Ars ? ou saint Pie X, toujours pauvre au milieu des splendeurs du Vatican ? Mon Eglise est remplie de ces belles âmes qui me font honneur, et toi tu n’aurais eu des yeux que pour voir les bandits ? Non, je n’accepte pas ton excuse !... ».