Le synode sur l’Amazonie ouvre la porte à l’ordination d’hommes mariés
Le synode sur l’Amazonie a pris fin le 27 octobre 2019, et a remis son document final au pape François qui s’en inspirera pour rédiger son exhortation post-synodale. Dans son discours de clôture, François a fait savoir qu’il voudrait publier cette exhortation avant la fin de l’année, tout en annonçant que le prochain synode serait vraisemblablement consacré à la synodalité…
Le 30 octobre, le vaticaniste Sandro Magister, analysant soigneusement les éléments contenus dans le discours final du pape, a indiqué les points qui risquent fort de se trouver dans l’exhortation post-synodale.
Les ministères féminins
Tout d’abord, la question des ministères auxquels les femmes pourraient avoir accès. La commission d’experts que François avait créée en 2016 n’a abouti à aucun accord, c’est pourquoi le pape a déclaré aux pères synodaux qu’il la relancerait avec de nouveaux experts nommés par lui, sous l’égide de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Il en a fait la promesse, terminant sur ces mots : « Je relève le gant qu’on a lancé là-bas (de la part des femmes consultées au synode) : “nous voulons être écoutées”. Je relève le gant ! » – Promesse qui a suscité des applaudissements dans l’assistance, selon le bulletin d’information quotidien du Vatican.
En réalité le synode ne s’est guère prononcé sur la question des ministères féminins. Le n°103 du document final se contente de signaler : « au cours des multiples consultations réalisées dans la région amazonienne, le diaconat permanent pour les femmes a été demandé », et « ce thème a aussi été très présent au synode ». Et les pères synodaux de souhaiter : « Nous voudrions donc partager nos expériences et nos réflexions avec la commission (des experts) et nous attendons ses résultats ».
Malgré cette rédaction prudente, le n°103 a obtenu 30 votes contre et 14 abstentions, soit un quart des votants. Mais, remarque très justement Sandro Magister, « les partisans du diaconat – et au-delà, du sacerdoce – féminin ont quand même considéré que c’était un succès. Il leur suffisait, pour le moment, qu’un “processus” soit mis en branle. Et c’est précisément ce qu’ils ont obtenu, avec l’appui immédiat et explicite du pape François. »
Le « rite amazonien »
Sur la question d’un « rite amazonien » – dont le culte idolâtrique rendu à la Pachamama au cours du synode a donné un exemple scandaleux – , le n°119 du document final souhaitait qu’une commission locale nommée par les évêques d’Amazonie soit chargée « d’enrichir (la liturgie) avec la manière dont les peuples amazoniens prennent soin de leur territoire et entrent en relation avec leurs fleuves (sic) ».
Mais le pape a déclaré qu’il confierait cette réforme à la Congrégation pour le culte divin, assuré que ses membres sauront « faire les propositions nécessaires réclamées par l’inculturation ». – A Rome, dans le dos du pape, quelques conservateurs souhaitent à ce « rite amazonien » le sort qu’ont connu les statuettes de la Pachamama, et ils formulent leur vœu à voix basse par une brève onomatopée : « plouf ! »
Concernant la proposition de nouveaux organes de direction et de coordination de l’Eglise en Amazonie, François s’est prononcé favorablement dans son discours final, ajoutant même vouloir créer une section amazonienne au Vatican : « C’est une contribution notamment par rapport à l’organisation de la Curie romaine. Il me semble qu’il faut le faire, et je parlerai au cardinal Turkson (préfet du Dicastère pour le service du développement humain intégral, créé par François en 2016. NDLR) sur la manière de le faire : ouvrir une section amazonienne au sein de (son) dicastère ».
L’ordination d’hommes mariés
Sur la question brûlante de l’ordination d’hommes mariés, le pape n’a pas fait de déclaration directe dans son discours final, se contentant de deux sous-entendus très appuyés. D’une part, aux journalistes qu’il avertit : « le danger pourrait être qu’ils s’attardent […] sur les petites choses disciplinaires qui ont leur transcendance mais qui ne feraient pas le bien que ce synode doit faire » ; d’autre part, aux « élites catholiques » qu’il fustige comme à son habitude : « ces groupes sélectifs qui ne voudraient voir du synode que ce qui a été décidé au niveau intra-ecclésial ou sur autre chose, en rejetant le corps même du synode que sont les diagnostics que nous avons faits. »
Sandro Magister commente : « La “petite chose”, le “point intra-ecclésial” auquel le pape François fait allusion, c’est justement l’ordination au sacerdoce de ces fameux « viri probati », présentée comme suit au n°111 du document final : “Nous proposons que l’autorité compétente définisse les critères et les dispositions – dans le cadre de Lumen gentium 26 – pour ordonner au sacerdoce des hommes idoines et reconnus par la communauté, qui ont un diaconat permanent fécond et qui recevront une formation adaptée au presbytérat, qui peuvent avoir une famille légitimement constituée et stable, pour soutenir la vie des communautés chrétiennes à travers la prédication de la Parole et la célébration des sacrements dans les zones les plus éloignées de la région amazonienne”. »
Là aussi, malgré une rédaction alambiquée et restrictive, le n°111 du document final a failli ne pas avoir la majorité des deux tiers nécessaire. Sur 181 votants, avec un quorum fixé à 121 votes, il a obtenu 128 placet, 51 non placet et 11 abstentions.
A la fin de ce n°111, il faut noter la phrase suivante, comme une indication en passant : « à ce sujet (l’ordination d’hommes mariés), certains se sont prononcés pour une approche universelle sur ce thème », – universelle, c’est-à-dire non strictement amazonienne. Sandro Magister a beau jeu de rappeler que « ce synode a été précisément imaginé et organisé avec un objectif principal : « ouvrir à l’ordination des “viri probati” en Amazonie, pour ensuite étendre cette nouveauté à toute l’Eglise. Exactement comme cela s’était passé avec le double synode sur la famille, qui avait pour but de libéraliser la communion aux divorcés remariés. A cette époque également, le pape François avait lancé des piques contre ceux qui se fixaient sur cette “petite chose” au lieu d’admirer la beauté de l’ensemble. Mais en attendant, il a fait sauter, à l’aide d’une petite note de bas de page dans l’exhortation post-synodale Amoris lætitia, la grandeur bimillénaire du commandement “ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas” (Mt 19, 6). »
Le 27 octobre, dans la lettre mensuelle Res Novæ, l’abbé Claude Barthe parle de la « lucarne des diacres permanents » : « lucarne fort astucieuse par laquelle va pouvoir passer l’ordination des prêtres mariés, sans en avoir trop l’air. (…) Ainsi donc, on pourra désormais ordonner prêtres ces presque-prêtres que sont les diacres mariés. Et pour accéder au sacerdoce, les candidats mariés pourront d’abord être ordonnés diacres “permanents”. L’étape du diaconat étant au reste une obligation disciplinaire rigoureuse. Du coup, la mesure “libératrice” n’aura aucun mal à devenir universelle. On devine que les évêques de nos régions, aussi pauvres en prêtres que l’Amazonie, à Langres, à Rodez, à Auch, ne vont pas tarder à demander à pouvoir ordonner prêtres leurs diacres permanents. »
Ainsi on affirmera l’admirable doctrine catholique sur le célibat sacerdotal, et en même temps on se montera « miséricordieusement » attentif aux besoins pastoraux de tous ceux qui ne peuvent assister à la messe, faute de prêtres. C’est ce qui a déjà été fait pour l’admission à la communion des divorcés remariés ou des conjoints protestants. C’est la « pastorale de la chatière » : la porte doctrinale est close, mais on aménage une petite ouverture pastorale, en bas (de page), pour laisser passer le chat. Comme l’écrivait DICI, en juin 2018, « Nul doute que le cardinal Marx, Raminagrobis crossé et mitré, “arbitre expert sur tous les cas”, ne passe par la chatière pastorale, en laissant la porte doctrinale close. »
De l’Amazonie à la Germanie
Déjà se manifestent les revendications des vicaires généraux de dix diocèses d’Allemagne, où commencera un « chemin synodal » dans la droite ligne du synode qui vient de s’achever. Ces dix diocèses sont ceux de Berlin, Essen, Hambourg, Hildesheim, Limbourg, Magdebourg, Münster, Osnabrück, Spire et Trèves. Leurs vicaires généraux ont publié le 5 novembre une lettre ouverte où ils réclament une Eglise « dans laquelle la pluralité et la diversité sont souhaitées et autorisées », car seule une Eglise ouverte et diverse a la possibilité de « rester effectivement présente » dans la société.
Au cours des deux ans que durera le « chemin synodal » qui débute le 1er décembre, la conférence épiscopale allemande œuvrera étroitement avec le ZdK, (Zentralkomitee der deutschen Katholiken) mouvement qui soutient ouvertement la fin du célibat sacerdotal, l’ordination des femmes et la bénédiction des couples de même sexe dans les églises.
Notant que de tels changements peuvent être douloureux, les vicaires généraux ont déclaré espérer que le « chemin synodal » engendrera « un dialogue honnête et ouvert, caractérisé par la confiance et le respect mutuels ainsi que par la volonté de compréhension mutuelle ». C’est pourquoi ils n’hésitent pas à demander à la conférence des évêques et au ZdK de « s’abstenir d’insinuations et même d’accusations de manque d’orthodoxie (sic) ». Ils affirment qu’une confiance dans « l’esprit de Dieu » aiderait les participants à prendre des « mesures raisonnables » pour renouveler l’Eglise, – une Eglise plurielle et diverse, à leur image et à leur ressemblance. On comprend la crainte exprimée, à la fin de l’été, par le cardinal Rainer Woelki de Cologne – bien isolé au sein de la conférence épiscopale –, au sujet d’un « schisme au sein de l’Eglise en Allemagne » et de la naissance d’une « Eglise nationale allemande ».
Le 4 novembre était lancée une pétition en ligne qui a réuni en quatre jours plus de 2000 signatures. Intitulée « Amazonien auch bei uns ! » (l’Amazonie aussi chez nous !), elle a pour auteur un prêtre autrichien, ancien professeur de théologie pastorale à l’Université de Vienne, Paul Zulehner, qui réclame et l’ordination d’hommes mariés et le diaconat féminin. C’est pourquoi il n’emploie pas le terme « viri probati » mais celui de « personæ probatæ », incluant hommes et femmes.
Cette pétition est adressée au pape et aux responsables ecclésiastiques du monde germanophone, s’inspirant des propositions faites lors du synode pour l’Amazonie que Paul Zulehner considère comme un événement historique pour l’Eglise : « il donnera un élan à nos Eglises locales, si ce kairos (moment favorable) est utilisé maintenant », selon lui. – Le Rhin a pollué l’Amazone qui revient à sa source idéologique rhénane. Le Tibre sera-t-il protégé de cette pollution ? Il faudrait une digue doctrinale et morale !
Related links
(Sources : cath.ch/Settimo Cielo/Katholisch.de/Res Novæ – trad. à partir de diakonos – FSSPX.Actualités - 27/11/2019)